
Jon Webster
Directeur général principal et chef de l’exploitation
Si la plus grande caisse de retraite du pays connaît déjà du succès dans l’intégration de l’intelligence artificielle (IA) à ses opérations, qu’est-ce qui freine les autres entreprises canadiennes?
Commençons par un portrait de la situation. Au deuxième trimestre, 12,2 % des entreprises canadiennes ont déclaré utiliser l’IA pour produire des biens ou offrir des services – soit le double du taux d’adoption enregistré un an plus tôt. Il s’agit d’une véritable dynamique, même s’il reste du chemin à parcourir pour une économie du G7. L’OCDE, qui classe le Canada parmi les pays les moins avancés en matière d’adoption de l’IA, souligne des obstacles bien connus pour le pays : le coût et les compétences demeurent les principales barrières, davantage que la réglementation ou la culture. De plus, les entreprises canadiennes qui explorent l’IA ont tendance à se concentrer sur des cas d’usage plus restreints que leurs homologues internationaux – ce que Leadership avisé RBC qualifie de « déficit d’imagination » quant aux domaines où l’IA peut créer de la valeur.
Mais voici ce qui est intéressant : l’expérience d’Investissements RPC montre que ces obstacles sont plus faciles à surmonter qu’il n’y paraît. Au cours des 90 premiers jours suivant le déploiement de ChatGPT Enterprise auprès d’environ 1 400 employés, nous avons atteint un taux d’activation de 83 %. À titre de comparaison, la moyenne du secteur est de 75 %, selon un ensemble de données portant sur 100 entreprises de services financiers comptant chacune entre 500 et 5 000 employés à temps plein, réparties en Amérique, en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique (EMOA). Fait important, tous nos employés ont reçu une formation sur l’utilisation responsable avant d’obtenir leur licence. Et 84,3 % d’entre eux ont maintenu une utilisation active hebdomadaire tout au long de cette période de 90 jours. Autrement dit, ils ne se sont pas contentés d’essayer l’outil une fois pour l’abandonner par la suite. Ils l’intègrent véritablement dans leur travail.
Il ne s’agit pas là de mesures superficielles. Elles indiquent plutôt que l’IA passe de l’expérimentation à l’intégration.
Cette situation est enthousiasmante. Elle laisse entendre que nous établissons un pont entre la recherche et l’application concrète – et, souhaitons-le, une IA qui se manifeste par de meilleures décisions de placement, des opérations plus efficaces et des équipes capables de produire des ébauches plus solides.
Alors, qu’est-ce qui fonctionne, et que pouvons-nous reproduire?
Premièrement, oublions la notion d’« intelligence » et concentrons-nous sur l’utilité. Le débat sur le fait que les grands modèles de langage soient réellement intelligents passe à côté de l’essentiel. La vraie question est la suivante : l’outil répond-il à vos besoins? Nos utilisateurs expérimentés entrent en moyenne 45 requêtes par semaine, par rapport à une norme de 35 pour le secteur. Ils ne philosophent pas à propos de la conscience – ils éliminent des contraintes dans leur travail quotidien. Lorsqu’on s’attarde à l’utilité, on génère des gains reproductibles. Encore plus prometteur : notre analyse de l’utilisation par les employés révèle que 5,99 requêtes par utilisateur actif par semaine sont consacrées à l’analyse de données – soit près du double de la médiane sectorielle, qui est de 3,37. Ces chiffres montrent que les équipes vont au-delà du simple dialogue et s’appuient sur l’IA pour des travaux de recherche et de modélisation avancés.
Deuxièmement, il faut considérer la vérification comme un enjeu prioritaire. La plupart des organisations s’enthousiasment pour les capacités génératives de l’IA – qu’il s’agisse d’ébauches, d’analyses ou de code – puis stagnent parce que la vérification demeure un processus manuel. À Investissements RPC, nous plaçons la vérification au cœur de notre modèle opérationnel. Nous commençons à mettre en place des processus qui définissent qui vérifie quoi, en s’appuyant sur quelles données de référence et selon quels seuils. Cela ne réduit pas seulement les risques, mais renforce les capacités institutionnelles, un projet après l’autre. Lorsque la vérification devient systématique, même des fonctionnalités avancées comme la recherche profonde (Deep Research) (que nos données d’utilisation indiquent être exploitées à un rythme comparable à la moyenne du secteur) deviennent des outils fiables plutôt que de simples expérimentations.
Troisièmement, il faut capturer votre meilleure réflexion. Toutes les équipes performantes s’appuient sur un savoir tacite : ce qu’il faut examiner, ce qu’il faut écarter et comment recouper les informations. Convertir ces données heuristiques en transformeurs génératifs préentraînés (ou GPT, de l’anglais generative pre-trained transformer) et personnalisés – des requêtes en langage naturel reproductibles, intégrées aux flux de travail pour clarifier les textes et les idées – permet de traduire l’expertise individuelle en levier institutionnel. Nos équipes ont créé 528 GPT actifs au cours des 90 premiers jours, contre une médiane de 18 pour le secteur. Ce chiffre nous place dans le 99e percentile dans une catégorie stratégique. Il est important de noter que les GPT ne sont pas des outils génériques. Ils traduisent notre manière de penser la diligence, la planification de scénarios et les cadres de recherche. C’est ainsi que de petites équipes rattrapent leur retard sans armées de spécialistes – en rendant une pensée de haut niveau accessible à tous.
Quatrièmement, privilégiez les expérimentations concrètes plutôt que le théâtre de l’innovation. La différence entre nos 528 GPT personnalisés et la médiane sectorielle de 18 ne tient pas à l’ambition, mais à la méthodologie. Au lieu d’explorations ouvertes, nous menons des sprints limités dans le temps associés à des indicateurs réels. Chaque GPT personnalisé correspond à une amélioration précise d’un flux de travail, qui peut être formulée et mesurée. Nous classons les cas d’utilisation selon l’impact réalisé, les heures économisées, les décisions améliorées et les risques réduits. Cette diversité d’expérimentations découle du fait que le succès est rendu visible et reproductible.
Cinquièmement, il faut investir dans les compétences, pas dans les discours. Le taux d’utilisation hebdomadaire de 84,3 % a été atteint grâce à un accompagnement concret au niveau des équipes. Nous jumelons les utilisateurs expérimentés avec les sceptiques. Nous organisons des plages de disponibilité. Nous intégrons des modèles opérationnels directement dans les flux de travail quotidiens. Lorsque près de six employés sur sept maintiennent une utilisation hebdomadaire après 90 jours, on ne parle plus de projet pilote – c’est une véritable transformation.
Regard vers l’avenir : mesurer le changement et valoriser l’atout humain
L’IA fera-t-elle de nous de meilleurs investisseurs? Le taux d’adoption élevé et l’utilisation soutenue sont encourageants, mais le véritable test de l’IA réside dans sa capacité à générer une valeur mesurable. Pour nous, cela signifie des améliorations vérifiées dans les résultats des investissements et l’efficacité organisationnelle. Ces facteurs sont plus difficiles à quantifier que les taux d’utilisation, mais ils sont bien plus importants. Associer le suivi de l’utilisation à des indicateurs clairs d’efficacité et de rendement permettra d’identifier les domaines où l’IA favorise de meilleures décisions et des gains de productivité.
Ce qui m’enthousiasme au-delà des chiffres, c’est que cette technologie ne rabaisse pas le niveau – elle l’élève. Lorsqu’une expertise supérieure à la moyenne et des bases de connaissances immenses sont accessibles à tous, il n’a jamais été aussi mal avisé de se contenter de la moyenne. C’est stimulant. Cela nous pousse vers ce que les humains font brillamment : tisser des relations, naviguer entre les parties prenantes, résoudre des problèmes de manière créative. L’intelligence émotionnelle aux côtés de l’intelligence cognitive.
Les premiers indicateurs d’Investissements RPC ne suggèrent pas que le chemin soit facile. Mais ils prouvent que le progrès est à la portée des organisations prêtes à miser sur l’utilité, à concevoir des mécanismes de vérification et à transformer l’expertise en actifs réutilisables.
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